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tons-le à la pelle et à la pioche ! Faisons-lui creuser des tranchées, construire des terrassements sous l’ardent soleil du Sud ! Il ne s’en portera guère plus mal, et nos hommes s’en porteront mieux ! — Ce fut le premier pas.

Donner au nègre un costume qui, tout en l’associant à l’armée, le distinguât du soldat, fut le second.

Puis, on proposa de lui fournir, pour se défendre en cas d’urgence, quelque chose de moins inoffensif qu’une brouette ou qu’une truelle.

Puis, on pensa qu’autant valait faire du nègre un soldat : un soldat moins l’uniforme bleu ; un soldat marqué du signe de l’infériorité perpétuelle.

Or, il se trouva que chemise rouge au corps, pistolet à la ceinture, le noir ne tarda pas à combattre au premier rang, partout où l’on se battait.

Sur pied d’égalité avec les blancs, lorsqu’il s’agissait d’affronter l’ennemi ; au fort de la mêlée, quand pleuvaient les balles, flamboyait l’arme blanche, ricochaient les boulets ; le noir ne recevait que demi-paye. En revanche, on lui faisait garder les forts et positions du Sud, en plein marais, fièvre jaune et pestilence.

Ce fut alors que le major Andrew, gouverneur du Massachussets, reçut de Lincoln l’autorisation de former deux régiments noirs : le 54e et le 55e.

Navré de l’injustice, mais non découragé :

— Frères ! — m’écriai-je daus un appel public reproduit partout : — Frères ! Le Massachussets vous fait signe, venez ! Remplissez les cadres ! Entourez l’étendard ! Que pas un ne s’attarde, que tous regardent en avant ! Officiellement autorisé, je me porte garant de vos droits : même