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J’étais depuis quelques semaines chez moi, qu’on me croyait encore par delà les mers. La Virginie avait satisfait sa soif de sang, exercé ses vengeances, juridiquement tué les complices — véritables ou supposés — de Brown ; elle s’était rendue odieuse par ses violences, ridicule par ses frayeurs. La prédiction d’Emerson commençait de se réaliser ; Brown devenait un martyr, sa potence une croix ; le cadavre dormait dans la poussière, l’âme marchait en avant. L’hymne qui devait conduire le Nord à la victoire, l’hymne de Brown, le chant tragique se levait de terre ; sa mélodie sinistre, roulait d’échos en échos.

Bientôt une question immense, la nomination du président, vint remuer le pays comme jamais, depuis la guerre de l’indépendance, passion ne le souleva. Conquérir la liberté de trois millions d’hommes, certes, la chose avait été grande. Arracher les États au démembrement et à la ruine, sauver ses trente millions de citoyens, rendre à l’humanité un peuple d’esclaves maintenus dans l’abrutissement bestial ; l’œuvre était bien autrement glorieuse ! — L’année 1860 devait en voir l’accomplissement.


Trois candidats aspiraient à la présidence :

Stephen A. Douglas, représentant du parti de la souveraineté territoriale : Droit du peuple à voter, dans chaque État, le maintien, l’introduction ou la suppression de l’esclavage ;

John C. Breckenridge, représentant du Sud excessif : Droit des planteurs à transporter, établir, maintenir