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prononcé : — Gentilshommes ! finissez-en avec l’esclavage, ou l’esclavage en finira avec vous !

Plus d’un, sur les champs de bataille où allait succomber le Sud, dut se rappeler cette prédiction.

Le 2 décembre, onze heures du matin, John Brown prenait congé des compagnons qu’il avait entraînés dans sa perte. À tous il serra la main, sauf à Cook. Celui-là, déclara Brown, l’avait trompé sur les véritables dispositions des esclaves, les prétendant mûrs pour l’insurrection, tandis qu’ils ne l’étaient pas. — Cook repoussa, mais faiblement, l’imputation.

— Êtes-vous prêt ? — demanda l’officier.

— Je le suis toujours. — Brown disait vrai.

Les bras liés, la tête couverte d’un chapeau noir à bords rabattus, vêtu des mêmes habits qu’il portait devant la cour, Brown s’avança sur le seuil de la prison, calme et presque joyeux. Une négresse était là, son nourrisson au sein. Brown s’arrêta pour baiser l’enfant.

— Dieu vous bénisse ! — s’écria une autre négresse : Dieu vous bénisse, vieux homme ! Si je pouvais, je vous aiderais ! Mais je ne peux pas.

Quelques compagnies d’infanterie, une troupe à cheval, suivie du wagon qui portait le cercueil, attendaient le prisonnier. Il prit place à côté du cercueil. — Ainsi gardé, John Brown arriva sur le champ d’exécution. La potence s’élevait au bout ; fusiliers, cavaliers parcouraient l’enceinte, écartant la foule, baïonnette au fusil.

John Brown gravit les degrés de l’échafaud ; la cape descendit sur ses yeux ; le nœud coulant emprisonna son cou :