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tandis que je garde mes trois hôtes harassés. Ils marchaient depuis quarante-huit heures ! Grâce à Dieu, l’attente, si elle fut terrible, fut courte. Cette nuit même, un steamer partait de Genesee River pour Toronto (Canada).

Oui ! mais gagner le débarcadère ! C’était en des emplacements pareils, que les traqueurs d’hommes tendaient leurs filets.

Les ombres du soir abattues, j’emballe mes hommes et moi-même, dans ma carriole démocratique. Ventre à terre jusqu’à Genesee River ! Quinze minutes d’attente : longues celles-là, j’en réponds !

Mes hommes embarqués, j’attends, pour leur serrer la main, que l’ordre soit donné d’enlever le pont volant. Parker me passe, en témoignage de gratitude, le revolver échappé des doigts roidis de Gorsuch, alors qu’il expirait. Le steamer bat l’eau de ses roues, les fugitifs sont sauvés !… Et sous l’opprobre de ses œuvres, le Fugitive Slave Bill, qui, loin de renforcer l’esclavage, n’a servi qu’à en accroître l’infamie, s’aplatit et meurt.


Ce fut dans ce temps à peu près, que parut Uncle Tom’s Cabin, le chef-d’œuvre de madame Beecher Stowe. On en sait l’action prodigieuse.

En Amérique, le livre embrasa les âmes ; excitant ici les générosités, là les colères, partout les tempêtes.

En Europe, l’effet fut immense. Mistress Beecher Stowe, invitée par les abolitionnistes anglais à visiter la Grande-Bretagne, me pria de passer un jour chez