Je glissai quelques mots sur la possibilité de convertir les maîtres à l’émancipation.
— Eux ! — il bondit : — La conviction ne leur entrera qu’à coups de fusil.
Nous allions nous séparer :
— Vous avez remarqué peut-être, fit-il, la mesquinerie de nos habitudes… les esclaves ont besoin d’argent.
Il le dit simplement. Cette vertu tout d’une pièce, était vraie comme le diamant dont elle gardait la rigidité.
À dater de ma visite à Springfield, l’espoir d’une émancipation pacifique s’ébranla chez moi. Mes écrits et mes discours revêtirent une teinte plus belliqueuse.
— L’esclavage ! m’écriais-je bientôt après — anti-Slavery Convention, tenue à Salem (Ohio) — : l’esclavage ne disparaîtra, je le crains, qu’au prix du sang !
— Frédérick ! interrompit brusquement mon vieil ami Sojourn Truth : — Dieu est-il mort ?
— Non ! répondis-je. Et c’est parce que Dieu n’est pas mort, que l’esclavage périra dans le sang[1].
En 1848, j’eus le privilége d’assister à la célèbre Free Soil Convention — Buffalo (New-York) — et l’honneur d’y prendre part.
Bien d’autres s’étaient tenues avant ; bien des corps d’assaillants s’étaient formés, bien des escarmouches avaient eu lieu ; mais les forces étaient éparpillées, elles se concentrèrent. Des éclairs avaient sillonné le
- ↑ La guerre se chargea plus tard de réaliser ma prédiction.