Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mis la main à plus sympathique, à plus noble, à plus fascinant travail !

Envisagé comme moyen de supprimer l’esclavage : autant vider l’Océan avec une coquille de noix, je le savais. Mais j’avais été esclave, mais j’avais été fugitif ; et la pensée qu’à chaque évadé, l’Amérique comptait un esclave de moins, un homme libre de plus, cette pensée m’emplissait l’âme d’un inexprimable bonheur.

En certaine occasion, j’eus onze réfugiés sous mon toit. Les coucher et les nourrir, sans donner l’éveil, n’était pas facile. Eux néanmoins, n’étant difficiles, ni en matière de lit, ni en matière d’aliments, le foin de ma grange leur servit d’édredon, et le pain de ma huche fit les frais du festin[1].

Notre Underground railroad, qui avait partout ses agences, partout ses stations, nous envoyait de partout ses passagers, que — moyennent finance — nous étions chargés de recevoir et d’expédier au Rév. Hiram Wilson, bureau du Canada.

Disons-le à la gloire du genre humain, jamais bourse, de quelque couleur qu’elle fût, ne resta fermée devant notre appel. Les hommes, Dieu merci, valent mieux que leur philosophie, leur politique, ou leur position.

M. X***, commissaire gouvernemental, ne vint-il pas me prévenir, certain jour, qu’un mandat d’amener allait partir de son bureau, à cette fin d’arrêter et restituer

  1. En 1872, cette même maison brûla, et avec elle périrent douze volumes de mon journal (1848 à 1860) ; douze années d’histoire contemporaine, écrite au jour le jour ; perte irréparable pour moi.