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et revenu la nuit, les premières heures du matin me trouvaient à mon pupitre.

Veilles, travaux, fatigues, lutte contre les ignorances d’autrui — sans compter les miennes — l’école était rude ; mais c’était la meilleure. Je lui dois d’avoir appris à penser, à m’exprimer, à vouloir. À mener, au lieu d’être mené.

Bien qu’il n’y eût rien, dans ce que j’écrivais et disais, ni de très-profond, ni de très-distingué ; tel était le mépris où l’on tenait les capacités du nègre, que je passais pour emprunter articles et discours — copiant les uns, récitant les autres, — au cerveau génial des blancs ! Maints gentilshommes du Sud, s’arrêtant à Niagara, vinrent contempler de leurs yeux, toucher de leurs doigts cet objet phénoménal : un ex-esclave, directeur de journal et conférencier.


Je dirigeais autre chose : Ce que nous autres abolitionnistes, nous appelions le Railroad souterrain.

Au nord du lac Ontario s’ouvrait le Canada. Chef de station, je recevais les esclaves fugitifs, je les abritais, je les cachais, je collectais l’argent nécessaire à les faire passer sur l’autre bord, en terre de liberté.

Les périls même de l’entreprise, lui donnaient saveur. L’ignoble loi sur les esclaves fugitifs, qui figurait dans la législation du Nord, nous exposait à de constants dangers.

Accueillir, nourrir, loger un esclave fugitif, c’était encourir amendes et prison. Eh bien, je n’ai jamais