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effet pour la race asservie. — Se séparer du Sud, c’était abandonner, sans espoir et sans merci, les esclaves du Sud à leur effroyable sort.

Mon journal subit la transformation qui venait de s’opérer dans mes vues. — Nouvelle déception chez mes amis, nouveau déchirement pour moi.

Appuyer la Constitution, combattre l’esclavage, soutenir l’Union, préparer l’émancipation ; telle fut l’œuvre, immense, de l’Étoile du Nord, qui bientôt, vu l’innombrable quantité d’Étoiles dont se constellait le ciel de la presse périodique — étoiles du matin, du soir, du Nord, du Midi — échangea son nom sidéral, contre celui moins ambitieux de Frédérick Douglass’ Paper.

La feuille, comme son directeur, rencontra tour à tour vents hostiles et brises clémentes. Embarras financiers, attaque des partis, ne lui firent pas défaut ; aux uns, des amis généreux pourvurent ; aux autres, j’étais bon pour répondre. Ils ne badinaient pas, nos adversaires — Rochester même en renfermait gros nombre — le New-York Herald, fidèle à l’esprit d’alors, leur conseillait tout simplement de jeter ma presse dans le lac Ontario, et ma personne dans le Canada.

En attendant, je donnais chaque dimanche une conférence sur le sujet. M. R. Reynolds, Esq., qui n’était pas abolitionniste, m’avait libéralement ouvert sa belle Corinthian Hall. — Écrivant le jour, les articles que devait contenir le journal du lendemain, je me jetais le soir dans un wagon, j’allais conférencier à Victor, Farrington, Canandaigna, Geneva, Waterloo, Batavia, ailleurs encore,