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efforcé d’allumer la haine contre l’esclavage, d’éveiller la volonté d’émanciper.

Deux surprises m’attendaient avant mon départ :

Ma libération officielle ; plus le don d’une presse, destinée à montrer aux Américains, que leur prochain noir a comme eux âme, intelligence et cœur.

Mesdames Ellen et Henry Richardson, deux femmes vouées à toute bonne œuvre, avaient depuis longtemps formé le projet de me racheter. Elles sondèrent, par l’entremise de l’Hon. Walter Forward — Pennsylvanie — les prétentions de Captain Auld, mon maître. Il fixa le prix de ma rançon à 150 £. — Ces excellentes chrétiennes réunirent la somme, l’envoyèrent au Captain, et me présentèrent 1o l’acte de vente ; 2o celui de libération, signés des deux frères Auld[1].

C’est donc à mes amis d’Angleterre, que je dus de voir tomber, en Amérique, ces fers qui d’heure en heure, pouvaient emprisonner mon corps ! — Comprend-on ma joie ? Comprend-on ma gratitude envers ceux dont l’affection venait, à mon insu, d’entamer, de conclure, de payer le marché ?

Toute médaille a son revers. Les abolitionnistes rigoureux n’approuvèrent, de l’autre côté de l’Atlantique, ni le rachat, ni ma silencieuse adhésion.

  1. Par le premier, Captain Thomas déclare qu’ayant « acheté et payé un homme nègre du nom de Frédéric Baily — ou Douglass comme il se fait appeler — il vend ledit homme nègre, âgé de vingt-huit ans, au sieur Hugues Auld, etc., etc.

    Par le second, M. Hugues Auld déclare qu’il libère ledit homme nègre !… Le tout revêtu des formes et signatures légales.