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tions, contemplant à côté d’eux les mêmes statues, les mêmes tableaux, les mêmes appartements princiers, sans que nul des serviteurs ne profère la sentence sacramentelle : — Les nègres n’entrent pas ici !

Mes concitoyens tournèrent au vinaigre. La leçon leur entra-t-elle dans l’esprit ?… J’en doute[1].

En tout cas, voici un échantillon des aménités américaines. Le 7 août 1846, un meeting général de tempérance, emplissait Covent-Garden-Theatre. Ma patrie y était largement représentée. Voir librement aller, venir, discourir un noir fugitif, ne plaisait pas précisément à MM. les délégués du Nouveau-Monde. L’un d’eux, le Rév. S. Hanson Cox (Brooklyn), s’exprimait ainsi à mon sujet, dans une lettre publiée par le New-York Herald : « … Tous plaidaient la même cause (tempérance) ! Cette magnifique unité de pensées et d’efforts produisait le plus glorieux spectacle moral, lorsque Frédérick Douglass, le nègre agitateur, escaladant la plate-forme, se mit à pérorer abolition, esclavage ; à calomnier, à injurier son pays ; payé sans doute pour cette abomination, par quelque meneur politique, peu désireux de s’aventurer en personne sur un semblable terrain !… » Le reste à l’avenant.

  1. Certain jour, qu’après m’être quelques instants entretenu sur le seuil de la Chambre des communes avec lord Morpeth, j’allais le quitter, une vigoureuse poussée m’arrête ! Je me retourne : — Présentez-moi à lord Morpeth ! — fait le révérend docteur Hicks de Boston, mon pousseur : — Avec plaisir ! répondis-je ; et je le présentai, non sans me demander si, à Boston, l’aimable révérend aurait sollicité pareille introduction d’un homme de couleur.