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voir cette exhibition, nouvelle pour moi, je m’approche, argent en main :

Les nègres n’entrent pas ici ! — fait l’homme aux billets.

À New-Bedford, je me glissais le long des bas-côtés de la salle aux meetings, pour y trouver place ; un respectable diacre m’avise, marche droit à moi, et de sa voix onctueuse : — Les nègres n’entrent pas ici !

Sur le Massachussets, lorsque, passant de New-York à Boston — nuit du 9 décembre 1843 — je me hasardais, demi-mort de froid, dans la cabine, pour y déroidir mes membres congelés, une main m’arrête : — Les nègres n’entrent pas ici !

À Weymouth, attendu par l’auditoire — il s’agissait d’une conférence — je pose mon pied sur la marche d’un omnibus : — Les nègres n’entrent pas ici !


Voulez-vous le contraste ?


À peine à Dublin, les gentlemen du meilleur monde me patronnent en tous lieux ; le Lord Mayor m’invite à dîner. Quel dommage qu’un démocrate américain ne se soit point trouvé sur le seuil du palais, pour crier : — Les nègres n’entrent pas ici !

À Liverpool, je vais, accompagné de M. Buffum, visiter Eaton-Hall, résidence du marquis de Westminster, un des plus splendides châteaux d’Angleterre. On ne reçoit qu’une compagnie de touristes à la fois ; nos passagers américains du Cambria se trouvaient en nombre sur le perron ; la porte s’ouvre, je pénètre avec eux dans le manoir : au même rang, objet des mêmes atten-