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voya d’un superbe dédain l’offrande tachée de sang, avec ces mots : « Je n’achèterai pas la liberté de l’Irlande, au prix de la vente des esclaves ! »

Quand mourut O’Connell, la liberté perdit un grand champion, notre cause un de ses plus fervents amis.


Après Cobden, Bright, Peel, d’Israëli, O’Connell, lord Russell, tant d’autres, j’entendis lord Brougham. Ne dépassant guère la soixantaine — le bel âge pour les hommes d’État anglais — il semblait avoir trente années de verdeur devant lui.

Speaker[1] à tout rompre ! La véhémence de ses discours rappelait les allures d’une locomotive, lancée à raison de quarante milles par heure. Ceux qui voient passer le train, discernent les wagons, tout juste ; quant à reconnaître les voyageurs, il n’y faut pas songer. Ainsi couraient les idées. Vous écoutiez, vous regardiez, et lorsque cet homme étonnant retombait assis, vous éprouviez une sorte de vertige, tel qu’en produirait quelque fantastique voyage en des mondes inconnus.

Tenez, ce jour-là, il parlait des relations postales de l’Angleterre avec le reste de l’Europe, y déployant une telle science de l’organisation des postes dans les pays continentaux, j’allais dire dans l’univers, que vous restiez abasourdi. Comme il arrive aux grands orateurs, toute contradiction le servait ; il saisissait la balle, la renvoyait à l’adversaire, répondait de droite,

  1. Orateur.