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tan fait lever les vagues de la mer, tantôt il en apaisait les colères comme fait la nourrice quand elle endort son enfant au berceau. L’Irlande ! il l’enserrait tout entière dans sa main, il la pouvait tout entière lancer ou retenir. L’Irlande croyait en lui : Elle était son amour, il était sa foi.

J’ai vu, lorsqu’après une absence de plusieurs semaines, O’Connell rentrait à Dublin, j’ai vu tout un peuple d’enfants se précipiter sur ses pas. Et tandis qu’ils criaient à tue-tête : « Voici Dan ! Voici Dan ![1] » lui, regardait les pauvres garçonnets déchaux, les pauvres fillettes en haillons, de l’air d’un bon père de famille qui revient au foyer.

On l’appelait libérateur. Victoires ou défaites, il méritait le nom : la liberté lui était partout sacrée.

— Je vous présente l’O’Connell noir des États-Unis ! s’écria-t-il en m’introduisant dans la Conciliation Hall.

Comme il plaidait la cause de l’Irlande, il plaidait celle des nègres asservis.

« Mes sympathies, déclarait-il, ne se laissent pas enfermer dans les bornes de ma verte Érin ; elles en franchissent les rivages, elles s’élancent partout où l’oppresseur écrase l’opprimé ! » — Le tonnerre de son éloquence foudroyait le crime, dénonçait les malédictions de l’esclavage. Jamais sa main loyale, si prompte à s’étendre vers chacun, ne serra la main d’un propriétaire de noirs ; et lorsque les esclavagistes du Sud, lui adressèrent leurs dons en faveur du rappel, il ren-

  1. Dan, abréviation de Daniel.