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Londres — celle-là contenant sept mille personnes, les deux autres huit mille chacune — regorgeaient d’auditeurs.

Ma bonne fortune fit coïncider mon séjour en Angleterre avec ce généreux mouvement de Peel, qui, du camp de l’aristocratie territoriale, dont il était le chef ; le fit passer à l’armée des prolétaires, dont il devint le général. J’assistai à cette prodigieuse bataille ; je vis se dresser l’ambition de Benjamin d’Israëli, prompt à s’emparer du poste qu’abandonnait Robert Peel. Mon cœur battit au triomphe des faibles. Une même question, que la peau fût blanche ou qu’elle fut noire, ne se posait-elle point des deux côtés de l’Atlantique ? Le problème, sur l’un et l’autre bord, ne s’appelait-il point : justice, égalité ?


Le rappel de l’Union n’eut pas tant de bonheur.

C’étaient les grands jours d’O’Connell. Je ne croyais pas, je l’avoue, aux récits qu’on m’avait faits de sa puissance. Parler à trente mille auditeurs, être entendu de tous ou presque tous !…

Le mystère fut résolu pour mai, le soir où Daniel O’Connell m’introduisit dans Conciliation Hall. Les flots de sa voix harmonieuse descendaient sur l’assemblée, ainsi que s’abat une trombe sur le sol crevassé par le soleil de juillet. Quels emportements, quelle tendresse, quels éclairs accusateurs, quel amour à embraser le monde ! Sarcasmes, pathos, étincelles de diamants, larmes du cœur, jamais, ni avant ni après, je n’ouïs rien de pareil. Tantôt il soulevait la multitude comme l’au-