Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.

églises, et quand l’auditoire en déborda les murs, ce fut à quatre mille blancs, réunis dans le parc de la ville, que l’esclave évadé prêcha l’abolition de l’esclavage.


Un volume ne suffirait pas à redire les péripéties de notre expédition.

Nous avions divisé nos forces. Chaque escouade attaquait un point différent. M. Bradburn, M. White et moi, nous entreprîmes l’Indiana.

Là, nous attendaient les fureurs de la canaillocratie.

Œufs pourris, injures, malédictions, nous y étions habitués. Mais à Pendleton, l’affaire prit une autre tournure. Ni grange, ni hangar, cela va de soi. Bien. Nous nous dirigeons vers la forêt, nous y trouvons une clairière, nous y dressons une estrade, le peuple accourt. Pas plutôt debout sur la plate-forme, commencions-nous à parler, que du milieu de cet océan de têtes, se détachent une soixantaine de chenapans :

— Taisez-vous ! beuglent-ils.

Raisonner ? Nous l’essayâmes. Mais nos brigands n’étaient pas venus là pour se battre à coups d’arguments ; ils y étaient venus pour nous écraser à coups de poing. Tous armés, ils se ruent vers l’estrade, la jettent bas nous avec, broient la mâchoire de M. White, le scalpent à moitié, tandis que, jouant dans la mêlée du gourdin que je venais de saisir — seul contre tous, tous contre moi — ils m’étendent sur le sol, me brisent la main, me laissent évanoui, sautent à cheval et disparaissent au galop.

Ce fut le bouquet.