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sière de nos sandales. Mais j’avais lu dans certain Livre : « Allez le long des haies et des chemins ; contraignez-les d’entrer ! » Je résistai.

— Il serait trop commode d’étouffer le mouvement, en lui bâillonnant la bouche ! — me pris-je à dire. M. Smith, qui nous avait recueillis, pensait comme moi. Sa maison s’élevait non loin du Parc. Il y avait là quelques arbres, trop jeunes pour donner ombre ou protection. N’importe, cela valait mieux que rien. Je choisis l’un d’eux, bien en vue, je m’y adossai, et prononçai devant cinq personnes, mon premier discours aux Syracusains. Avant le soir, j’avais cinq cents auditeurs ; avant la nuit, un temple nous abritait.

Je ne traverse guère Syracuse aujourd’hui, sans rendre visite à mon arbre. Comme la cause qui se réfugiait alors sous ses branches, il s’est fait grand et puissant.

Mon premier acte de révolte intestine se produisit à Syracuse. M. Collins, agent général de l’Anti Slavery, arrivait d’Angleterre ; il en rapportait une théorie communiste : Suppression de la propriété individuelle ! Partage des biens ! Tout à tous ! — ce qui signifie : rien à personne — et, marchant en tête d’un petit bataillon converti à ses idées, il proposa d’interrompre nos conférences abolitionnistes, si difficilement établies, pour leur substituer l’exhibition de ce bagage européen.

J’osai m’y opposer. Le communisme fut remis à d’autre temps : mais je reçus verte semonce. Insubordination envers mes supérieurs, telle était l’offense.

J’avais fait mon devoir, et c’est pour l’avoir fait, que