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cela ne manquait — remuèrent les masses et les embrasèrent, durant notre tournée dans Rhode-Island.

Monroe et moi — il avait cette parole qui charme, cette habilité qui désarme — nous arrivions comme l’éclaircie après l’orage. Le flux de liberté montait, la justice se dégageait des brumes ; le projet Dorr s’évanouit ; et Rhode-Island eut une constitution qui, tout en élargissant le droit des blancs, établissait le droit des noirs.


Cette campagne terminée, restait la grande guerre : l’abolition !

Si elle avait des ennemis dans Rhode-Island, elle avait son bataillon de partisans, vrais libéraux, qui n’obéissaient qu’à Dieu.

Ceux-là ne se contentaient pas de proclamer le principe, ils l’appliquaient.

Tout frais sorti que j’étais de l’esclavage, portant encore les traces de la chaîne, n’ayant rien de ces grâces, de cette distinction, fruits d’un long commerce avec la société libre et raffinée, ceux-là m’accueillaient comme un frère. La main blanche, se tendait sans hésiter vers la main noire. Sous la sombre livrée que m’avait imposée le soleil, ceux-là reconnaissaient en moi un homme, un égal, dont ils ne songeaient point à rougir. Je sentais cela.

Reçu dans leurs bras, j’étais habituellement, à cette époque encore, repoussé des places honorables, sur les steamers et les railways. Condamné au tillac ; couché comme je pouvais, la nuit, parmi les bagages, au froid,