Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’œuvre était belle, l’action malaisée. La majorité penchait vers le projet Dorr. Ce mot : blancs, qu’on y retrouvait partout, caressait les préjugés populaires. D’autre part, les arguments invoqués pour abolir, en faveur des blancs, certaines restrictions apportées au droit de suffrage, frappaient du même coup les restrictions imposées aux droits des noirs.

Rude bataille ! Dénoncés comme brouillons, invités à nous mêler de nos affaires — commode et vieille méthode pour se débarrasser, et du vrai, et de ses défenseurs — ni Foster, ni Pillsbury, ni pas un de nous, soldats de la justice, n’étions gens à reculer. Ce qu’il nous fallait, ce que nous prétendions obtenir, c’est une constitution, pure des étroitesses, des égoïsmes, des partialités que sous-entendait le mot : blancs.

Nous cherchions notre appui dans le peuple. Foster et Pillsbury combattaient aux avant-gardes. La splendide véhémence de l’un, les écrasantes dénonciations de l’autre, réveillaient les colères démocratiques.

— Ou la victoire ou la révolution ! disait Foster.

Il ne s’y épargnait pas. Saisissant la vérité, il la présentait par ses côtés les plus hostiles ; de la façon la plus inutilement agressive, me semblait-il parfois ; et pourtant ce fut lui, ce furent ses emportements, combinés avec l’indomptable courage, la beauté, la jeunesse, le savoir, la ferme logique de miss Abby Kelley, quakeresse[1] ; ce furent ces fougues déchaînées qui, à travers criailleries, insultes, œufs pourris — rien de tout

  1. Plus tard mistress Foster.