Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous avez devant vous un pièce du mobilier sudiste ! commençait le chairman : — L’objet parle ! ajoutait-il.

Hear ! hear[1] ! s’écriait l’assemblée.

Des esclaves fugitifs, on en avait vu. Mais un esclave fugitif, orateur !

Autre étrangeté : Qu’un homme de couleur avouât, même en pays libre, son évasion, il passait pour insensé ; non-seulement parce que l’aveu compromettait son indépendance, mais parce que, révélant ses origines, la confession le rabattait au bas niveau de l’esclavage. M’exposer, me dégrader ainsi, c’était folie, pensaient quelques-uns de nos frères noirs ! — J’aurais immolé bien plus encore, à notre sainte cause.

Contre les recherches de Captain Thomas, je ne pris d’autres précautions que de taire son nom, le mien, et celui de l’État esclavagiste auquel je venais d’échapper.

Mes discours, durant les premiers mois, se composèrent exclusivement de souvenirs, d’expériences et de narrations.

— Des faits, des faits ! demandait l’auditoire.

— Des faits, des faits ! s’écriait M. Foster, qui sans cesse me ramenait au récit pur et simple de mes aventures, et m’y clouait.

Des faits, donnez-nous des faits ! répétait M. Collins : Laissez les raisonnements, nous nous en chargeons !

Ils s’en chargeaient, et s’en tiraient mieux que le nègre, je le veux croire. En attendant, impossible à moi

  1. Écoutez ! écoutez !