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III

quelques abolitionnistes.


L’été de 1841 vit une grande Anti-Slavery Convention, se tenir dans l’île de Nantucket[1].

Je n’avais pas pris un seul congé, depuis mon installation à New-Bedford. Puissamment attiré par le meeting, je m’y rendis, sans imaginer que nul s’y doutât de mon existence. Mais voilà que M. Coffin, abolilionniste éminent, me démêle dans la foule, et, marchant droit sur moi, m’engage — il m’avait entendu dans nos réunions évangéliques noires — à dire quelques mots au public.

— Racontez vos souvenirs, vos impressions ! — fait-il.

Moi, parler ! Plus mort que vif, je me dirige vers la plate-forme. À peine si je pouvais me tenir debout. J’ouvre les lèvres, j’hésite, je balbutie, je tremble de tous mes membres, et en vérité, je crois que mon émotion fit la force de mon speech, si speech il y a.

M. Garrison, se levant alors, lança un de ces discours qui ne s’oublient plus. Il avait cette inspiration aux grandes ailes, aux serres puissantes, qui saisit les âmes, se les assimile, et les emporte dans régions où plane

  1. Massachussets.