Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bâti, vingt ans, actif, désireux de faire mon devoir, camarades et patron me reçurent cordialement.

Quand j’eus achevé là, M. Howland, constructeur de vaisseaux, me prit dans son chantier. Point d’opposition non plus, de la part des trois maîtres calfateurs, hommes d’intelligence, de pensée, imbus de l’esprit de liberté !

Après le chantier, la fonderie. Elle appartenait à M. Richmond. Fier travail ! Nous passions, outre les journées, deux nuits par semaine. Suspendu au soufflet — il fallait maintenir la fournaise assez ardente, pour que le métail s’en échappât liquide — je clouais un journal au poteau, devant moi, et tirant, poussant, j’emmagasinais force idées.

Ce fut alors, cinq mois après mon installation, qu’un jeune homme, m’apportant le dernier numéro du Libérateur, me proposa d’y souscrire. Tout pauvre que j’étais, je mis mon nom au bas de son carnet. Dès lors, le Libérateur a pris dans mon cœur une place qui ne le cède qu’à la Bible. Comme l’héroïque journal détestait l’esclavage ! Comme il stigmatisait les trafiquants d’âmes et de corps ! De quelle vigueur il prêchait la fraternité humaine ! Avec quelle hardiesse il dénonçait, si haut qu’elles fussent perchées, l’hypocrisie et l’oppression ! Qu’il parlât au nom de l’Évangile ou de la loi, son éloquence, brûlante comme le feu, prompte comme la flèche, incendiait et transperçait.

Bientôt, j’eus le privilége d’entendre le rédacteur lui-même, M. Garrison.

Il donnait une séance dans Liberty Hall. Jeune, la