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II

liberté.


Le 4 septembre 1838, moi, naguère esclave à vie, traînant cette lourde chaîne que toute ma vigueur n’aurait pu rompre, je marchais librement dans les rues de New-York.

Ébloui par le spectacle si prodigieux, si nouveau qui se présentait à mes regards, la pensée de mon indépendance dominait tout. — Que de fois j’avais rêvé cela ; que de fois mes espérances s’étaient brisées ; que de fois je m’étais vu, époux peut-être, peut-être père, vieillard, et toujours esclave, toujours, jusqu’au bout ! Découragé, perplexe, ne m’étais-je point demandé si Dieu lui-même, ne me condamnait pas à la servitude ; si je n’avais pas pour devoir de baiser mes fers ? Et maintenant !…

On m’a souvent dit : — Qu’avez-vous éprouvé, à ce premier pas sur terre libre ?

Si la vie est autre chose que la respiration, j’ai plus vécu, dans cette minute-là, que durant les vingt années de mon eslavage.


New-York néanmoins, n’était pas le havre de grâce que je croyais.