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méprisant la classe et en stigmatisant le métier, les avaient créés tous deux.

Une fois délivrés de ces rodomonts écœurants, dont chaque souffle nous apportait un blasphème, nous respirions mieux. Il fallait regarder aux serrures et aux barreaux, pour nous souvenir que notre chambre, spacieuse et nette, fût une cellule de prison. — Mais ces barreaux ! mais ces verrous ! Au lieu de la liberté conquise !

Chaque pas sur l’escalier nous faisait tressaillir. Quel allait être notre sort ? Nous aurions donné les cheveux de notre tête, pour entendre six des paroles qu’échangeaient entre eux, sur la place, les serviteurs de l’hôtel Lowe-Sol. N’avaient-ils point, tout en courant autour de la table d’hôte, attrapé maints renseignements qui pour nous, étaient vie ou mort ?


Les fêtes de Pâques terminées, MM. Hamilton et Freeland arrivèrent à Easton ; non pour nous envoyer au fouetteur officiel, comme il en va des esclaves fugitifs, mais pour relâcher John, Henry et Bailey.

Je restai seul. — Les innocents avaient été graciés ; le coupable demeurait écroué.

C’était justice. Trente-neuf coups sur mon dos nu, m’auraient déchiré moins que cette séparation, peut-être éternelle. Cependant, je le redis encore, il y avait là une sorte d’équité. Pourquoi ces jeunes gens, entraînés par mon influence, auraient-ils subi un châtiment pareil au mien ? Si je pleurais leur tendresse, il m’était doux de les sentir hors de geôle, à l’abri du