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— Croise tes mains ! — lui ordonne un des constables.

— Non ! — Si claire était la voix, le ton si déterminé, qu’un instant les constables demeurent abasourdis.

— Tu ne veux pas croiser tes mains ?

— Je ne veux pas.

M. Hamilton, M. Freeland, les officiers l’entourent. Deux des constables, tirant de la ceinture leurs pistolets, jurent, par le nom de Dieu, que s’il ne croise pas ses mains, ils abattront Henry d’un coup.

— Je ne les croiserai pas ! — répète froidement Henry.

Là-dessus, chacun des assassins relève son pistolet, en applique la bouche au cœur de l’esclave désarmé, et le doigt sur la détente :

— Croise tes mains ! — crie Tom Graham, chef des trois : — Croise-les, ou je te fais sauter ton damné cœur !

— Tirez ! vous ne pouvez me tuer qu’une fois. Tirez ! Et soyez maudits ! — Henry se redresse. La tête fière, l’accent héroïque, d’un coup de poing il fait voler les armes ; tous se ruent sur lui, le frappent, l’accablent, le maîtrisent ; en une seconde, il a les cordes autour du corps.

Et moi, la honte m’embrasait le visage. Henry avait noblement combattu ; ni John ni moi n’avions résisté.

Mais d’esclave à maître, nulle défense ne sert, sauf en cas de triomphe certain. Celle de Henry néanmoins, servit.

Juste au moment où allait éclater le conflit : — Nous