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tous châtiés pour la part présumée qu’ils ont prise à l’attentat !

Le frisson me tenait.

Mais l’heure était passée de regarder derrière soi. J’en appelai à la fierté de mes compagnons :

— Quiconque, leur dis-je, recule, après serment fait de tenter l’effort ; se déclare lâche, esclave à vie, et n’a plus qu’à tendre le dos aux coups !

Tous — sauf Sandy, à notre vif regret — nous jurâmes, par un serment plus sacré, d’agir le jour venu.

Il vint. Cœur palpitant, nous nous rendîmes au travail. Notre départ, on s’en souvient, devait s’effectuer la nuit. — Tandis que je répandais l’engrais sur le sol, un pressentiment, pareil à l’éclair qui dans les ténèbres, montre soudain au voyageur l’ennemi derrière, le gouffre devant ; un pressentiment me glaça. Sandy se trouvait près de moi. Je me tournai vers lui :

— Sandy, fis-je, nous sommes trahis ! C’est comme si je le voyais.

— Homme ! c’est étrange ! Je sens juste comme toi.

Ma mère, depuis longtemps au tombeau, se serait relevée ; elle m’aurait averti de la trahison, je n’en aurais pas été plus certain.

À ce moment, sonnait le cor qui appelle les esclaves au premier repas. Je suivis avec les autres le chemin du quartier. Un demi-mille environ, séparait la plantation Freeland de la grand’route. À demi-mille, par conséquent, s’ouvrait le portail de l’avenue qui, du dehors, conduisait à l’habitation. — Or, quelque ombragée que