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XVI

la main du dompteur s’appesantit.


Si, par l’une des ardentes journées du mois d’août  1834, vous aviez, lecteur, traversé la ferme Covey, vous m’auriez vu dans l’aire jonchée de blé, que foulait le sabot des chevaux.

Rude labeur pour un novice, bien qu’il exige plus d’adresse que de force. Hugues, Billy, Élie — autre esclave loué pour l’occasion — travaillaient avec moi. Nous y allions vigoureusement ; Covey ayant promis une heure de congé, à condition que le foulage fût opéré avant la nuit. — Une heure de congé ! je me démenais plus que pas un. Il s’agissait de courir à la baie, mes camarades et moi, sitôt l’ouvrage fini ; d’y pêcher, et de nous régaler de poisson !

Vers trois heures — le soleil incendiait l’aire, pas un souffle — une douleur m’étreint le front, le vertige me prend, je tremble de tous mes membres.

— Pas de ça ! me dis-je, roidissant mes nerfs : Si je cesse un instant, je ne bougerai plus !

Inutile ; deux ou trois efforts, je tombe d’aplomb ; il me semble que la terre s’effondre sous moi.