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d’aller à la rivière avec une pierre au cou. J’ai vingt-quatre écus l’an chez M. le duc, et, avant-hier, il voulait me jeter à la porte, disant que je lui coûtais trop cher ! »

Dame Honorée prit Éliane par la main.

« Tous agirez comme il vous plaira, monsieur mon neveu, dit-elle. J’attendrai votre réponse jusqu’à demain matin. Demain matin, comme ce serait tenter Dieu que de vous laisser ainsi l’un auprès de l’autre, Éliane partira pour Nancy, où madame de Pardaillan-Montespan, ma cousine, est prieure, et j’irai de mon pied chez M. de Vendôme pour le sommer de vous envoyer en Bretagne. Venez, ma fille. Mon neveu, je prie Dieu qu’il vous garde de tout mal ! »

Elle se dirigea vers son logis d’un pas digne.

En chemin, la pauvre Éliane ne se retourna qu’une seule fois pour envoyer au page un baiser triste et découragé.

Elle pleurait. Maître Pol ferma ses deux poings et enfila d’un temps tout ce qu’il savait de jurons. Sa première pensée fut de se lancer tête première contre le tronc d’un gros tilleul, afin de guérir tout d’un coup sa peine ; mais il réfléchit qu’avant de mourir il serait juste et bon d’assommer un peu son ennemi intime, Renaud de Saint-Venant, second écuyer de madame la duchesse.

Cette idée mit du baume dans ses veines. Il resserra le ceinturon de son épée, posa son feutre de travers et sortit du jardin à grands pas.





V

D’UN REMÈDE EXCELLENT CONTRE LA COLIQUE.


Il y avait loin du jardinet dit le Clos-Pardaillan jusqu’aux communs de madame la duchesse, situés à l’autre extrémité de l’hôtel de Mercœur. Maître Pol, en chemin, aurait eu tout le temps de calmer ses esprits, mais il était de Bretagne et il avait le diable au corps.

Le temps ne servit qu’à chauffer au rouge sa colère. Quand il arriva dans le quartier des officiers de madame de Vendôme, il écumait.

Il monta quatre à quatre l’escalier qui conduisait à la chambre de Renaud et jeta la porte en dedans d’un coup de pied.