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LA VAMPIRE

Sa prière semblait profonde et sans distraction.

— Répondez-moi, mais tout bas, dit-elle d’une voix douce et soutenue. Nous ne sommes pas seuls…

René regarda autour de lui. Il n’y avait personne dans la chapelle ; personne, au moins, que l’on pût voir.

— Êtes-vous mieux ? lui fut-il demandé.

— Ma souffrance est au cœur, répondit-il comme malgré lui.

Il y eut encore un silence.

La femme voilée semblait écouter des bruits qui ne parvenaient pas jusqu’à l’oreille de René.

— Peut-on avoir deux amours ? murmura-t-elle enfin d’une voix qui tremblait.

En même temps elle releva son voile et René vit la douce flamme de ce regard qui était désormais son âme.

— Oh ! dit-il, je n’aime que vous.

Elle tressaillit et se leva, faisant un large signe de croix avant de quitter sa place.

— Ne me suivez pas, ordonna-t-elle précipitamment.

Et elle s’éloigna d’un pas rapide.

René, immobile, entendit bientôt un pas d’homme, lourd et ferme, se joindre au léger bruit que faisait son pied de fée en frôlant les dalles de la chapelle.

Quand il tourna enfin la tête, il ne vit plus rien. L’enchanteresse et son cavalier avaient franchi la porte du Calvaire.

René s’élança sur leurs traces ivre et fou.

Il sortit par l’issue qui donne sur le passage Saint-Roch. Le passage était désert.

Ivre et fou, nous avons bien dit. Il rentra chez lui dans un état d’excitation fiévreuse.

Celle-là le prenait par le cerveau, centre d’action bien autrement puissant que cet organe aux aspirations vaguement chevaleresques que nous appelons le cœur.

Depuis que le monde est monde, le cœur fut toujours vaincu par le cerveau.

Pour un temps, du moins, et quand la fièvre chaude est calmée, quand vient l’heure du repentir qui expie, une voix s’élève, prononçant ce mot impitoyable et inutile, car il n’empêcha jamais aucun crime et jamais il ne prévint aucun malheur :

— Il est trop tard !

La vie humaine est là.

Avant de rentrer chez lui, René dut frapper à la porte du père adoptif d’Angèle.

Il y a des convenances, et ces braves gens ne lui avaient jamais fait que du bien.