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LA VAMPIRE

besoin ni de levier ni de pince. Il prit son élan de côté et lança son épaule contre le panneau, qui éclata, brisé.

Quand le renfort arriva, Gâteloup était déjà dans la chambre sans fenêtres.

— Êtes-vous là, René de Kervoz ? demanda-t-il.

Il écouta, mais les battements de son cœur le gênaient et l’assourdissaient.

Il crut entendre pourtant le bruit de la respiration d’un homme endormi.

Les rayons de la chandelle de suif, pénétrant tout à coup dans la cachette, montrèrent en effet René, étendu sur un lit, la face hâve, les cheveux en désordre et donnant profondément.

— Tiens ! dit Ézéchiel, elle n’a pas tué celui-là.

Il examina le réduit d’un œil curieux.

— Un joli double fond ! ajouta-t-il.

— Levez-vous, monsieur de Kervoz ! ordonna Gâteloup en secouant rudement le dormeur.

Laurent et Charlevoy furetaient. M. Barbaroux dit :

— Nous allons toujours arrêter ce gaillard-là !

René, cependant, secoué par la rude main de Gâteloup, ne bougeait point.

Germain Patou déboucha tour à tour les deux flacons et en flaira le contenu en les passant rapidement à plusieurs reprises sous ses narines gonflées.

Il avait l’odorat sûr comme un réactif.

— Opium turc, dit-il, haschisch de Belgrade : suc concentré du Papaver somniferum. Patron, ne vous fatiguez pas, vous le tueriez avant de l’éveiller.

Chacun voulut voir alors, et M. Barbaroux lui-même mit son large nez au-dessus du goulot comme un éteignoir sur une bougie.

— Ça sent le petit blanc, déclara-t-il, avec du sucre.

Charlevoy et Laurent auraient voulu goûter.

— Il faut pourtant qu’il s’éveille ! prononça tout bas Gâteloup. Lui seul peut nous mettre désormais sur les traces de la vampire !

— Ah ça ? l’homme, fit M. Barbaroux, vous avez votre blanc-bec. Il serait temps d’aller se coucher.

Charlevoy et Laurent, au contraire, avaient envie de voir la fin de tout ceci. C’étaient deux agents par vocation.

— As-tu les moyens de l’éveiller, garçon ? demanda Jean-Pierre à Patou.

— Peut-être, répondit celui-ci.

Puis il ajouta en baissant la voix et en se rapprochant :

— Peut-être tous ces gens-là sont-ils de trop maintenant.