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LA VAMPIRE

Dès le temps de Cagliostro, et même plus d’un siècle avant lui, les propriétés du phosphore étaient connues des adeptes ; nous n’oserions pas dire, craignant l’accusation d’anachronisme, que la comtesse Marcian Gregoryi eût dans sa poche une boîte d’allumettes chimiques, et cependant un léger frottement qui bruit dans l’obscurité produisit une lueur vive et instantanée.

La bougie d’une lanterne sourde s’alluma, éclairant les parois salpêtrés d’un long couloir, La comtesse se mit à marcher aussitôt, en femme qui connaît la route.

Au bout d’une cinquantaine de pas, un vent frais la frappa au visage. Il y avait à la paroi de gauche une crevasse assez large par où l’air extérieur et un rayon de lune passaient.

La comtesse s’arrêta, prêtant attentivement l’oreille. Elle appuya l’âme de la lanterne contre sa poitrine et jeta un regard au dehors.

Le dehors était un jardin sombre, touffu, mal entretenu.

— On dirait des pas, murmura-t-elle, et des voix…

Elle regretta Pluto, le chien géant qui, d’ordinaire, vaguait en liberté sous ces noirs ombrages.

Mais, quoiqu’elle regardât de tous ses yeux, elle ne vit rien que les branches emmêlées qui s’entre-choquaient au vent.

Elle continua sa route.

— Quand même Ézéchiel m’aurait trahie, pensa-t-elle encore, qu’importe ? ils n’auront pas le temps !…

Le couloir se terminait par un escalier de cave que la comtesse gravit ; au haut de l’escalier se trouvait un étroit palier où s’ouvrait une porte habilement masquée. La comtesse l’ouvrit, tenant toujours l’âme de sa lanterne cachée sous ses vêtements, puis la referma et se prit à écouter.

Le bruit d’une respiration faible et régulière vint jusqu’à son oreille.

— Il dort ! fit-elle.

Alors elle découvrit sa lanterne sourde, aux rayons de laquelle nous eussions reconnu cette chambre où René de Kervoz et Lila soupèrent le soir du jour qui vint commencer notre histoire :

La chambre sans fenêtres.

Dans le quartier, il est bon de le dire, — on racontait beaucoup de choses touchant ce vieil hôtel d’Aubremesnil et ses dépendances plus vieilles encore : le pavillon de Bretonvilliers et la maison du bord de l’eau.

Paris avait alors quantité de ces coins légendaires.

On parlait d’une merveilleuse cachette que le président