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sez difficile, que je suis satisfait d’avoir accomplie sans obstacle ni retard.

— Merci, monsieur Therrier, dit Hindelang. Mais si nous sommes trahis, nous ne sommes pas encore perdus. Monsieur Rochon, ajouta le jeune homme avec une sourde énergie, il faut agir de suite et promptement !

Et il l’informa des instructions de M. Duvernay.

On se mit à l’œuvre à l’instant.


IV

PREMIERS REVERS


Les plans du déchargement avaient donc été modifiés.

Pendant que M. Rochon, accompagné de l’aubergiste, ira prévenir les charretiers, Hindelang et les membres de l’équipage construiront avec des troncs d’arbre un solide radeau pour le transport de la cargaison au rivage.

Après inspection des alentours de la plage, Hindelang avait découvert entre deux rochers un trou profond, de forme rectangulaire et capable de contenir la moitié au moins des munitions de guerre. Quant à l’autre moitié, il espérait l’expédier par les premières charrettes. Et si ces charrettes retardaient, ou si un danger plus imminent survenait, il aviserait.

On prit trois heures à construire le radeau, puis au moyen de câbles on lui fit faire la navette entre le navire et la rive. Sur ce radeau, tout solide qu’il fut, on ne pouvait transporter qu’une quantité relativement petite des marchandises, puis, une fois le rivage atteint, il fallait en effectuer le transport à bras d’homme du radeau à la cache éloignée d’une cinquantaine de mètres. Tout ce travail prenait du temps et demandait beaucoup d’efforts et de patience.

Et cette patience semblait vouloir de temps en temps échapper à Hindelang que l’inquiétude ne lâchait pas. Non pas qu’il eût peur pour sa personne ; mais ces munitions, ces armes, c’étaient leurs meilleurs atouts dans la grosse partie qui allait s’engager ! Et puis, n’y avait-il pas une sorte de gloire déjà dans l’accomplissement intégral de cette mission ? Aussi bien, il voulait que la confiance dont on l’avait honoré fût dignement justifiée. Et la crainte d’un échec quelconque le rendait nerveux.

Le milieu du jour fut dépassé sans que les charrettes attendues n’eussent donné signe d’existence ou d’approche.

Et la besogne se poursuivait, lentement.

Enfin, vers les quatre heures, un bruit de chariot cahotant fut apporté par les échos des bois. M. Rochon et Simon Therrier ramenaient avec eux six charrettes seulement. D’autres ne pourraient venir que le lendemain seulement.

N’importe ! c’était toujours autant.

On s’occupa donc de suite au chargement de ces charrettes avant la tombée de la nuit. Avec l’aide des charretiers, de M. Rochon et de l’aubergiste, le travail alla plus vite. La charge d’un radeau faisait celle d’une charrette, si bien que peu après le crépuscule les charges étaient complétées.

On soupa dignement, et à huit heures les charretiers reprenaient la route par laquelle ils étaient venus.

Avec les six charges expédiées et ce qu’on avait réussi à mettre en cache, il restait encore sur le navire plus de la moitié de la cargaison.

— Ah ! avait dit Hindelang, si nous pouvons gagner cette journée de demain, la victoire est à nous !

Aussi, dès les premières clartés du jour suivant on se remit à l’œuvre.

M. Rochon avait eu l’assurance que dix charrettes au moins seraient à l’anse avant le grand jour.

Mais une partie de la matinée se passa sans qu’on vît ou entendît rien venir.

Pour ne rien laisser aux caprices d’un hasard, Simon Therrier et M. Rochon partirent à la découverte.

Il était à peu près dix heures.

À onze heures deux charrettes firent leur apparition.

— Où sont les autres ? interrogea Hindelang que la vue de ces deux charrettes seulement surprit.

— Nous sommes seuls, répondit un charretier. Mais les autres doivent être en route. Nous sommes partis parce que nous étions préparés les premiers.

— Avez-vous croisé sur votre route monsieur Rochon.

— Oui. Il a poursuivi son chemin dans le but de presser les autres.

— C’est bien, fit Hindelang, satisfait de ces explications.

Il leur fallut juste une heure pour compléter ces deux charges. À deux heures de l’après-midi elles reprenaient la route.

Les autres charrettes n’arrivaient pas.