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tie !… il s’imagine qu’il te doit la vie. Tu n’auras donc qu’à vouloir !

Et Mrs Loredane frémissait d’un bonheur indicible.

De fait, une promesse irrévocable était de suite échangée entre le spadassin et Lottie. Puis Sir James alla déposer la jeune fille sur un divan.

À cette minute Mrs Whittle accourait auprès de Sir James dont elle saisit les mains en criant :

— Ho ! Sir James ! Sir James… comme je remercie le ciel de vous avoir protégé contre cette bande d’assassins !

Sir James sourit candidement et répliqua :

— Madame, je vous remercie de votre bienveillance à mon égard. Cependant, je dois vous déclarer, pour faire honneur à la vérité, que ce n’est pas le ciel qui m’a protégé contre mes assassins, mais plutôt cette jeune et séduisante personne que je viens de fiancer et dont je ferai tout prochainement ma femme.

— Ah !…

Ce fut l’unique exclamation que poussa Mrs Whittle… pour la seconde fois, ce soir-là, Sir James Howe-Spinnhead se trouva avec une femme évanouie dans les bras.


IV


En vérité il le devait à la bravoure, ou mieux à l’amour de Miss Lottie, ce chançard de Sir James Spinnhead, de se trouver encore de ce monde, en ce matin de mai 1765, mercredi le 15, jour qui avait été fixé pour les mémorables fêtes organisées dans le but de célébrer la conquête de la Nouvelle-France. En ce même jour on voulait commémorer la mort des héros français et anglais tombés au champ d’honneur.

Ce matin-là, toute la population de la ville et celle des paroisses environnantes avaient été réveillées par le grondement des canons de la forteresse qui saluaient l’arrivée, en la rade de Québec, de quatre navires de guerre battant le pavillon anglais. Les canons des navires avaient répondu par une salve puissante.

Malheureusement pour les citadins, le jour ne s’était pas levé aussi gaîment et beau qu’on l’avait désiré, le firmament était nuageux et un vent de nord soufflait en tempête. Vers les huit heures des flocons de neige se mirent à tourbillonner au-dessus de la cité, et faire craindre que le mauvais temps ne dérangeât les belles fêtes qu’on avait préparées.

Le désappointement atteignit surtout les jeunes et jolies femmes qui avaient souhaité paraître à la fête en toilettes claires ; elles durent, pour sortir et parcourir les rues de la ville, s’emmitoufler de fourrures comme en plein hiver et perdre, de la sorte, le plaisir d’exhiber leurs toilettes neuves spécialement commandées pour ce grand jour. Quel terrible soufflet pour ces exquises créatures !… Car — disons-le sans esprit de malice et sans calcul d’offense — la femme de ces temps lointains n’était pas autre que celle de nos jours, l’attrait des spectacles et des plaisirs de la foule n’était pour elle que secondaire : dans ces spectacles elle ne trouvait comme première jouissance que celle de montrer telle robe nouvelle, tel chapeau, tels souliers, tels bijoux. Là seulement était tout le véritable plaisir, le plaisir qui enivre, ce plaisir prodigieux, puissant, de récolter des regards d’admiration et des œillades d’envie. De ces plaisirs elle n’en voulait pas manquer, pas un seul, comme ne veut manquer aucun des épis le moissonneur qui, de sa faulx, abat le froment mûr ! Et sans ce plaisir la femme ne trouvait dans la fête nulle valeur et nul prix, c’était une désillusion complète, c’était presque une calamité qui pouvait la frapper mortellement !…

Mais en ce jour de mai 1765 la nature allait, pour la reine de notre monde, se montrer compatissante et tout à fait bonne princesse, et après avoir été si maussade, elle apparut, vers dix heures, brillante et rayonnante. Les nuages d’hiver se dissipèrent sous les vents qui, du nord, avaient tourné du côté de l’ouest, et en peu de temps un flot lumineux de soleil tiède inonda la ville entière. Ce fut un immense cri de reconnaissance qui emplit l’espace, et la foule, débordante de joie excessive, se déversa en cohue riante dans la ville en fête.

Pour saluer plus solennellement cette nature admirable et merveilleuse, des musiques militaires éclatèrent de toutes parts dans la haute-ville et la basse. Toute la cité, pavoisée aux couleurs anglaises uniquement, hélas ! mêlait un éclat splendide aux éclats du soleil, comme aux éclats des canons, comme aux éclats des musiques