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la belle de carillon

d’une voix hésitante. Si je ne me trompe pas, vous êtes le capitaine Valmont ?

— J’ai bien l’honneur d’être la personne que vous avez nommée, mademoiselle, répondit le capitaine avec surprise. Et si, à mon tour, je ne me trompe pas, vous êtes l’une de ces deux dames que j’ai vaguement entrevues ce matin…

— Oui, capitaine, je suis Isabelle… Mon père est le commandant Desprès.

— Je suis enchanté, mademoiselle, de rencontrer celle qu’on surnomme la Belle de Carillon…

La jeune fille se mit à rire ingénument.

— J’ai en effet appris ce matin que les soldats du Général Montcalm m’ont ainsi surnommée…

— Et avec raison, interrompit galamment Valmont. Je répète donc, mademoiselle, que je suis enchanté de vous voir, non seulement parce que vous êtes belle et bonne selon qu’on le dit dans l’armée, mais surtout pour l’opportunité que j’ai de vous offrir mes excuses au sujet de l’incident survenu ce matin entre votre père et moi. Je remercie donc le hasard…

— Oh ! capitaine, ne croyez pas à un hasard dans cette rencontre, du moins en ce qui me concerne. Je me rendais dans les retranchements avec le dessein d’avoir avec vous une courte entrevue.

— En ce cas c’est le hasard qui m’a fait m’engager dans ce sentier. Eh bien ! mademoiselle, je suis à votre disposition.

Et cette fois le capitaine s’approcha tout près de la jeune fille dont il put à son aise contempler la beauté. Et, disons-le, pour la première fois en sa vie le capitaine subit le charme de cette enfant, pour la première fois une jeune fille faisait battre son cœur plus vite que d’ordinaire, et pour la première fois il se sentit devenir gêné et timide. Mais c’est que pour la première fois aussi une jeune fille osait le regarder bien en face de ses yeux doux, caressants, profonds. Et il les aima ces yeux bleus qui avaient toute la douceur d’un ciel d’aurore. Il aima les longues boucles de cheveux dorés qui s’échappaient follement sous le chapeau de paille pour se poser en un ravissant désordre sur les épaules de la jeune fille. Il aima toute cette enfant, c’est-à-dire qu’il ressentit subitement pour elle une sympathie qu’aucune femme encore n’avait pu faire naître. Et il se grisa du sourire si bon qui entr’ouvrait des lèvres admirables, et pour dompter cette griserie qui aurait pu lui faire commettre des gaucheries, sinon des sottises, il dut faire un très grand effort de volonté.

De son côté, Isabelle considérait avec attention ce jeune capitaine dont elle avait à maintes reprises entendu vanter les exploits devant l’ennemi. Elle le voyait pour la première fois ce capitaine Valmont, si l’on omet la scène du matin, car le matin de ce jour elle ne l’avait vu que de loin et si peu. Elle lui trouva fort bonne mine, et surtout elle ne manqua pas de lire sur la physionomie ouverte du jeune homme ce mâle et rare courage dont on le disait doué, et elle découvrit dans ses regards des reflets de son âme qui révélaient un caractère généreux et droit. Elle se réjouit grandement en elle-même songeant que les qualités de ce jeune homme lui seraient comme un appoint pour remplir avec succès la mission dont elle s’était chargée. Mais quel genre de mission La Belle de Carillon venait donc accomplir auprès du capitaine Valmont. Elle s’en expliqua de suite.

— Je vous demanderai d’abord, Monsieur, d’excuser mon importunité et ma hardiesse. J’avais assez souvent entendu parler du Capitaine Valmont, mais je ne l’avais jamais vu…

— Vous l’avez vu ce matin, Mademoiselle… sourit Valmont.

— Oh ! à peine… voyez-vous, je ne savais pas ce matin que c’était le Capitaine Valmont… Mais là je vous vois tel qu’on m’a fait votre portrait.

— Vous voyez un mauvais garnement, Mademoiselle, se mit à rire le Capitaine, très rude, un peu sauvage et manquant de savoir-faire. Que voulez-vous, je ne suis qu’un pauvre soldat toujours en guerre, et je n’ai pas eu le temps ni l’occasion de me faire au beau monde. Je vous prie donc de m’excuser… Oui, Mademoiselle, excusez le soldat, le sauvage qui, ce matin, n’a pas su se contenir… Et puis, je ne sais pas… Je n’aurais pas pensé que cette jeune fille, si belle, si gracieuse, qui était là pas bien loin fût la fille de celui avec qui je me suis disputé…

— Soyez certain que je vous excuse, monsieur le Capitaine. Comme vous, mon père est vif, bouillant, il s’emporte aisément, mais ça ne dure pas. Il est bien bon, gé-