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de l’esprit ? Sont-elles savantes ? Non, répondra l’enfant. Mais elles mangent, continuerez-vous, quoiqu’elles n’aient point d’esprit. Vous voyez donc bien que ce n’est pas l’esprit qui mange, c’est le corps qui prend les viandes pour se nourrir ; c’est lui qui marche, c’est lui qui dort. Et l’âme, que fait-elle ? Elle raisonne ; elle connaît tout le monde ; elle aime certaines choses ; il y en a d’autres qu’elle regarde avec aversion. Ajoutez, comme en vous jouant : Voyez-vous cette table ? Oui. Vous la connaissez donc ? Oui. Vous voyez bien qu’elle n’est pas faite comme cette chaise ; vous savez bien qu’elle est de bois, et qu’elle n’est pas comme la cheminée, qui est de pierre ? Oui, répondra l’enfant. N’allez pas plus loin, sans avoir reconnu, dans le ton de sa voix et dans ses yeux, que ces vérités si simples l’ont frappé. Puis dites-lui : Mais cette table vous connaît-elle ? Vous verrez que l’enfant se mettra à rire pour se moquer de cette question. N’importe, ajoutez : Qui vous aime mieux, de cette table, ou de cette chaise ? Il rira encore. Continuez : Et la fenêtre est-elle bien sage ? Puis essayez d’aller plus loin. Et cette poupée vous répond-elle quand vous lui parlez ? Non. Pourquoi ? est-ce qu’elle n’a point d’esprit ? Non, elle n’en a pas. Elle n’est donc pas comme vous ; car vous la connaissez, et elle ne vous connaît point. Mais après votre mort, quand vous serez sous terre, ne serez-vous pas comme cette poupée ? Oui. Vous ne sentirez plus rien ? Non. Vous ne connaîtrez plus personne ? Non. Et votre âme sera dans le ciel ? Oui. N’y verra-t-elle pas Dieu ? Il est vrai. Et l’âme de la poupée, où est-elle à présent ? Vous verrez que l’enfant souriant vous répondra, ou du moins vous fera entendre, que la poupée n’a point d’âme.

Sur ce fondement, et par ces petits tours sensibles employés à diverses reprises, vous pouvez l’accoutumer peu à peu à attribuer au corps ce qui lui appartient, et à l’âme ce