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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

et d’application, cependant, à ses heures et selon son gré : tel, sans doute, que Chardin en peignit, un siècle plus tard, sur des fonds gris et sobres d’intérieurs bourgeois. « Ma mère, écrit-il, se donna la peine de m’apprendre à lire. » Nous sommes charmés de cette confidence : il eût manqué je ne sais quelle grâce au génie de Charles Perrault, s’il n’avait pas appris à lire sur les genoux de sa mère. « Mon père prenait la peine de me faire répéter mes leçons le soir après souper et m’obligeait de lui dire en latin la substance de ces leçons. » Il y avait quatre fils : deux d’entre eux, Nicolas, futur docteur en Sorbonne et janséniste, Claude, futur architecte de la colonnade du Louvre, collaboraient avec Charles à l’Énéide burlesque. De si belles fusées de rire sortaient de ce logis paisible que les voisins, plus d’une fois, en durent être avertis. Vers cinq heures, en été, Charles se promenait avec son ami Beaurain sous les ombrages du Luxembourg : c’est là qu’ils avaient pris la résolution de ne plus retourner au collège de Beauvais, après que Charles eut décoché à son régent une assez vive impertinence : « J’eus la hardiesse de lui dire que mes argumens étaient meilleurs que ceux des Hibernois qu’il faisait venir, parce qu’ils étaient tout neufs et que les leurs étaient vieux et tout usés. » Avec Beaurain, il élabora un programme de lecture à la fois un peu fantaisiste et très vaste. Cela comportait des causeries au jardin du Luxembourg. La délicieuse salle d’étude, et comme elle convenait au futur auteur des contes de fées ! Comme on est peu surpris de se dire qu’il avait si volontiers échangé contre elle les sombres murs d’un collège ! Les grands arbres devaient lui donner de belles et enivrantes leçons, alors que toute la jeunesse du printemps fleurissait sur les