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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

Acrasia, n’auraient peut-être jamais existé si Bojardo, si l’Arioste, si le Tasse, ne nous avaient donné des Dragontine, des Alcine, des Armide.

Une féerie se pourrait-elle concevoir, s’il n’y était question de l’enchanteur Merlin ? La belle guerrière Britomart, inspirée par les souvenirs de Bradamante et de Clorinde, après avoir jeté les yeux sur le miroir de Merlin qui lui montre le chevalier Arthegall, autre héros du royaume de féerie, comme l’objet de son futur amour, ira trouver au fond de sa caverne l’enchanteur Merlin lui-même, accompagnée de la nourrice Glaucè. Comme à la Bradamante de l’Arioste, Merlin donne pour ascendants à Britomart des héros troyens. Il lui prédit une postérité glorieuse qui régnera sur l’Angleterre et dont la plus belle fleur sera la reine Élisabeth. Ainsi l’Arioste faisait prédire à Merlin la splendeur de la maison d’Este.

Les vieux romans de la chevalerie et de la féerie inspirent à Spenser un chant plus original et plus émouvant lorsqu’il célèbre la bibliothèque du château de Tempérance. Elles dorment, toutes les vieilles histoires destinées à ravir et à exalter les hommes ; et elles peuvent lutter contre les enchantements du jardin d’Alcine, contre les prestiges du jardin d’Acrasia. Tous les féeriques et chevaleresques romans bretons seront revivifiés par le juvénile enthousiasme des héros et des poètes ; ici, un patriotique amour se mêle à cet enthousiasme. On aime la terre natale dans les légendes qu’elle inspire, comme dans le parfum des fleurs auxquelles elle a donné naissance.

Spenser possède une vaste culture ; il connaît à merveille l’Iliade, l’Enéide, et, de même que le