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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

L’heure de la séparation est venue. Fébosille, qui n’est peut être pas plus païenne que Mélusine, recommande le chevalier à Dieu.

Ces épisodes féeriques réussissant à Bojardo, notre poète se garde bien de s’en tenir là. Mandricardo, roi de Tramontane, se baignera dans une de ces délicieuses fontaines dont les poèmes de la Renaissance partagent l’attrait avec les palais et les châteaux d’Italie. La description vaut la peine d’en être remarquée. Mais à peine l’imprudent s’est-il plongé dans ses eaux fraîches, qu’il en surgit une jolie fée aux cheveux blonds : celle-ci lui apprend qu’il est en son pouvoir ; elle le séduit, l’arme et le guide.

Ils arrivent à un palais illuminé qu’on aperçoit dans la nuit à travers des jardins. Si l’on veut avoir sous les yeux le tableau vivant des élégances qui charmèrent les fêtes de cette époque, il faut lire ces chants de Bojardo. La magie du beau palais illuminé, tel qu’il éblouit le voyageur, quand il y arrive par un soir de fête, s’impose à nous, et nous n’aurons pas à la chercher ailleurs. Sur une magnifique terrasse qui domine la porte du château, un nain qui veille sonne de la trompe à l’arrivée des nouveaux venus. Sans doute il y avait de pareils nains à la cour de Borso d’Este et d’Hercule Ier, il y en avait aussi chez la belle amie de Bojardo, Isabelle d’Este, marquise de Mantoue. Si le visiteur est quelque ennemi, quelque brigand, les balcons se garnissent de flèches et d’arbalètes ; s’il est quelque ami, quelque chevalier errant, de belles jeunes filles s’avancent pour le saluer et le servir. La table est dressée sous la loggia, comme pour un festin de Véronèse : une dame se met à chanter, s’accompagnant de la lyre,