Page:Europe (revue mensuelle), n° 96, 12-1930.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et chez vous ? Ça va-t-il ? Tsatsa Minnka doit être mariée, maintenant, pas ?

Zamfir eut un haut le corps, comme si une cravache lui eût cinglé les reins. Un instant, il manqua de souffle. Reprenant sa chasse, il murmura, le visage collé au sol :

— Tsatsika a fauté.

À son tour, Toudorel eut un haut le corps. Ce mot-là, appliqué à une jeune fille, signifiait quelque chose de laid.

— Tsatsa Minnka a fauté ! s’écria-t-il.

— À ce qu’il paraît…

— On n’en est donc pas certain. Elle n’a pas avoué ?

— Le père la bat souvent, pour la faire avouer, mais que veux-tu qu’elle avoue ?

En effet. Toudorel réfléchit et se rendit compte qu’il n’aurait pas su dire de quoi pourraient être faits ces aveux.

— Et toi : sais-tu quelle est sa faute ?

Zamfir abandonna sa chasse, se retourna sur le dos, et se couvrit le visage avec les mains :

— Rien de rien ! gémit-il, oppressé. Je sais que Tsatsika aime Minnkou, le fils de père Andréï, et qu’il l’aime, c’est-à-dire : je vois comme tout le monde qu’ils s’arrangent pour couper du jonc, toujours ensemble. Est-ce cela, fauter ?

Que ce fût « cela » ou autre chose, le mal était le même : un autre lui avait ravi le cœur de Tsatsa Minnka.

— Elle ne t’amène donc plus à la « coupe » ? Elle ne t’aime plus ?

— Si ! Elle m’aime et m’y amène, mais tu t’apercevras que ce n’est plus la même chose. Elle est changée !

Disant cela, Zamfir partit en sanglots, le visage toujours couvert de ses mains. Pour le consoler, Toudorel dit :