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Quand on la dévaste, elle est pareille au chêne qui perd une feuille.

De là vient le mot roumain, appliqué aux débats sans issue : « laissons les choses balta. » C’est-à-dire : « n’en parlons plus, qu’il n’en soit plus question. »

Car, la balta, c’est l’inconnu, l’impénétrable, l’infini.

On y accède tout naturellement, par où l’on veut, comme fait l’oiseau quand il prend son vol. Et dès qu’on y est, faire deux cents pas ou deux cent mille, cela revient au même. La papoura, le stouff et cet hermaphrodite de pipirig, bon à rien, enlacent l’homme à bras le corps, le doublent en hauteur.

Ils l’enlacent à bras le corps, fraternellement. Ils savent que si leur frère est là, c’est qu’il doit être bien malheureux ; c’est que, dans ces villages d’où il vient, les affaires doivent aller bien mal.

Au reste, on n’a qu’à regarder la tenue de ce frère, pour être fixé : de la tête aux pieds, il est comme si toute sa vie se fût passée dans une poubelle, à le voir affublé de cette caciula criblée, qui laisse passer les mèches coléreuses de son abondante chevelure ; de cet ibirbok en lambeaux, qui tient à peine sur son buste ; de ces nadragi aux multiples pièces, aux trous nombreux, offrant le spectacle de ses cuisses poilues, de ses genoux osseux et de son derrière peu convenable ; de ces obiélé qui lui font des jambes pareilles à des troncs d’arbre ; de ces opinci, enfin, qui ne lui protègent plus les pieds, parce qu’ils sont en loques.

Il faut le juger à cet équipement. Il ne faut pas se fier à ses allures gaillardes, à son air badin. Car, le drôle, brûlé par ses désirs, trouve encore le moyen de se narguer lui-même. Se contemplant comme un paon, il se tord de rire, pirouette, claque des doigts,