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En mieux, parce que plus simple et plus pur. Qui me rappelle mes beaux mois à Menorca, avec V…, dans cette Espagne où fait rage actuellement la guerre civile, une guerre à laquelle je pense avec angoisse. On est heureux à Sokoum, c’est l’ordre et la paix en U. R. S. S. (encore que les fantômes de la guerre et du fascisme rôdent sur ses frontières) et moi aussi je serais pleinement heureux si ne pesaient sur nos vies des ; menaces de semaine en semaine plus récises et plus terribles.

Le ciel est bleu, le parc d’un vert presque doré, si doux, et derrière les arbres c’est la mer. Les cigales chantent à n’en plus finir. Bientôt, j’irai nager ; j’attends encore, hier le soleil m’a brûlé. Autour de moi, des femmes et des hommes qui sont heureux, qui peuvent avoir confiance dans l’avenir, la vie est devenue possible ici, d’année en année elle pourra être meilleure.

Le présent, pour moi. Flâneries, courses. Heures durant lesquelles je succombe de sommeil. Il me faudrait prendre des notes sur mon voyage. Quels souvenirs précis en garderai-je ? Je vis. Et maintenant, c’est T… dans ma vie, avec elle que je passe de longues heures de la nuit dans le parc et sur la plage. Je n’oublie pas M…, cependant, et encore bien moins B… et V… ! Le courrier n’arrive pas, ennui auquel je dois me résigner, mais qui parfois me démoralise. Je ne sais rien, je suis coupé de tout, il me faut vivre ici pleinement, vivre dans le présent — qui me comble. Et du reste, trente jours au plus me séparent du retour. Et qu’est-ce qui m’attend, en France ?


12 août 1936,. Sotchi.

Nous devions, le 1er au soir, prendre le bateau pour Sébastopol. Mais j’ai été malade (indigestion, coliques, fièvre), nous ne partirons que ce soir, à minuit. J’ai hâte de quitter Sotchi, où je m’ennuie, et à Sébastopol j’