Page:Europe, revue mensuelle, No 171, 1937-03-15.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

à. G… Car j’aurai enfin une image de l’U. R. S. S., je connaîtrai un peu de quelle façon y vivent les gens ; je ne garderai pas d’illusions sur son passé, j’en pénètre un peu le présent.

Les voyages, c’est sur moi-même qu’ils m’éclairent. Je ne leur demande de me livrer des paysages, et encore des paysages, mais de me permettre d’approcher des êtres, des femmes.

Déception, que cette arrivée à Tiflis. Constructions ternes et banales, boulevards, une foule sans couleur. Oh ! arrivées à Fez, à Marrakech. J’ai vu des pays enchantés, respiré des odeurs rares, ces paysages du Maroc, j’en garde le souvenir. De ma vie en Espagne je garde aussi le souvenir. L’an dernier, Ciudadela, solitude, travail.

Il faut un pareil voyage pour me faire, aimer mieux encore ce que j’aime. Ma liberté, ma solitude. Une femme près de moi.


17 juillet 1936.

X… est venu, j’ai cessé d’écrire. Tant mieux, ou tant pis. Hier tantôt, nous avons visité la vieille ville, qui pouvait me faire souvenir du quartier juif, à Fez. Combien moins surprenant, presque sordide. Tout cela condamné, d’ailleurs, si bien que tous les pays et les hommes se ressembleront.

Nous avons dîné en compagnie de trois écrivains géorgiens. Sous un noyer énorme. Il faisait une nuit noire, le vent soufflait, des grenouilles coassaient, deux lampes-tempêtes éclairaient notre table : un peu à l’écart, assis sur la terre, des paysans mangeaient. Nous avons bu, porté des toasts, dit ou écouté des poèmes. Tout cela frais, chaleureux, naturel. Moins pour X… et moi que pour ces poètes. Je suis rentré à Tiflis un peu ivre, désireux, de voir et d’approcher des femmes. Mais rien.