Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/619

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mauvaise renommée poursuit une femme, une certaine malveillance s’attache à ses paroles, injurieusement, me semble-t-il. Car, ce qui est juste, c’est, les choses étant connues, de haïr qui a mérité d’être haï. Sinon, pourquoi faut-il haïr ? Tyndaréôs me donna à ton père, mais non pour me faire mourir, moi et les enfants que j’enfanterais. Cependant, Agamemnôn, ayant entraîné ma fille, par l’espoir de l’union d’Akhilleus, partit de sa demeure, et l’emmena à Aulis où était la station des nefs. Et là, il moissonna la joue blanche d’Iphigénéia étendue sur le bûcher ! Si, à la vérité, il l’eût tuée pour sauver la Ville, ou pour sauver sa maison, ou ses autres enfants, en sacrifiant une pour tous, cela eût été pardonnable ; mais parce que Héléna était impudique, et parce que celui qui l’a épousée n’a pas su réprimer sa trahison, pour cela il a tué ma fille ! Cependant, bien que je fusse outragée, je ne me serais pas irritée, et je n’aurais pas tué l’homme ; mais il revint, m’amenant une Mainade toute pleine d’un Dieu, et il la mit dans son lit, et il retint à la fois deux épouses dans les mêmes demeures. Les femmes sont lascives ; je ne dis pas le contraire ; mais, les femmes ayant ce vice, quand le mari commet une faute en méprisant le lit domestique, la femme veut imiter l’homme et se cherche un amant. Et ensuite c’est à nous que l’opprobre est attaché, et on ne dit aucun mal des hommes qui sont cause de tout ! Quoi ? Si Ménélaos eût été enlevé furtivement de sa demeure, m’eut-il fallu tuer Orestès pour sauver Ménélaos, le mari de ma sœur ? Comment ton père aurait-il supporté cela ? Fallait-il qu’il ne mourût pas, celui qui a tué mes enfants, et que je fusse châtiée par lui ? Je l’ai tué, et je me suis tournée vers ceux qui devaient m’y aider, vers ses ennemis. En effet, qui d’entre les amis