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LE CHŒUR.

Ô mains paternelles, cruelles aussi !

LE MESSAGER.

Nul n’en pourrait dire plus que le fait même.

LE CHŒUR.

Raconte-nous comment le lamentable malheur du père est devenu le malheur infligé par lui à ses enfants. Dis comment le mal divin s’est rué dans la demeure ; dis-nous la misérable fin des enfants.

LE MESSAGER.

Les victimes sacrées étaient devant l’autel de Zeus, afin de purifier la demeure, après que Hèraklès eut jeté dehors le cadavre du Roi de cette terre ; et le beau groupe de ses enfants était auprès de lui, ainsi que son père et Mégara ; et déjà la corbeille était portée autour de l’autel, et nous faisions silence. Mais, comme il allait prendre de la main droite le tison pour l’éteindre dans l’eau purificatrice, le fils d’Alkmèna s’arrêta, muet. Et comme il tardait, ses enfants tournèrent les yeux vers lui. Mais il n’était plus le même ; et, tel qu’un insensé, roulant des yeux hagards et montrant le fond ensanglanté de leurs orbites, il répandait de l’écume sur son menton barbu ! Puis, il dit avec un rire de démence : — Père ! pourquoi allumé-je le feu purificateur, avant d’avoir tué Eurystheus ? Pourquoi faire un double travail, quand je puis tout achever en une seule fois ? Quand j’aurai apporté la tête d’Eurystheus, je purifierai mes mains pour les deux morts. Répandez l’eau, rejetez ces corbeilles ! Qu’on me donne mon arc !