Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/518

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


MÉGARA.

Allons ! quel sacrificateur tuera ces enfants ? Qui m’otera ma misérable vie ? Ces victimes sont prêtes à être conduites dans le Hadès. Ô mes fils ! tous à la fois, vieillards, enfants et mère, nous sommes attelés à l’horrible joug des morts ! Oh ! la malheureuse destinée que la nôtre, ô enfants, vous que je vois pour la dernière fois ! Je vous ai enfantés, je vous ai élevés pour être le jouet de vos ennemis, insultés et tués par eux ! Hélas ! combien l’espérance m’a trompée, que j’avais autrefois conçue d’après les paroles de votre père ! À toi, ton père avait réservé Argos, et tu devais habiter les demeures d’Eurystheus, et commander sur la fertile Pélasgia, et il couvrait ta tête de la peau du Lion dont il était vêtu. Et toi tu devais être Roi des Thèbaiens qui aiment les chars, et posséder mes champs héréditaires, ainsi qu’il l’avait affirmé à mon père ; et il t’aurait légué la massue écrasante, présent de Daidalos. Et à toi, enfin, il promit de donner Oikalia qu’il avait autrefois dévastée à l’aide de ses flèches lancées au loin. À tous trois que vous êtes, votre père vous réservait ainsi trois royaumes, dans l’élan de sa grande âme. Et moi, pour vos noces, je choisissais d’excellentes fiancées, sur la terre des Athènaiens, dans Sparta et dans Thèba, afin que votre nef, étant solidement amarrée, vous eussiez une vie heureuse ! Et tout cela s’est évanoui, et la fortune changée vous donne les Kères de la mort pour épouses, et, à moi, misérable, mes larmes pour bain nuptial ! Et votre aïeul prépare le festin nuptial, ayant pour gendre Aidès, lugubre alliance ! Hélas sur moi ! Lequel presserai-je le premier ou le dernier contre ma poitrine ? Plût aux Dieux, qu’ayant les ailes brillantes de l’abeille, je pusse recueillir en un seul les gémissements