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si je te sauve, porter de ma part un message à Argos, destiné à mes amis, ainsi qu’une lettre qu’a écrite, ayant pitié de moi, un captif convaincu que mes mains n’étaient point homicides, et qu’il mourait par une loi que la Déesse voulait et justifiait. Jusqu’ici je n’ai rencontré personne qui, retournant à Argos, y portât mon message ainsi que ma lettre à quelqu’un de mes amis. Pour toi, qui es, en effet, comme il semble, de bonne race, et qui connais Mykèna et ceux dont je parle, tu seras sauvé, et ton salut ne sera pas une récompense à dédaigner, si tu portes cette lettre. Pour celui-ci, puisque la Cité nous y contraint, il sera seul livré en victime à la Déesse.

ORESTÈS.

Toutes tes paroles sont bonnes, hors une seule, ô Étrangère ! Ce me serait une cruelle douleur que celui-ci fût égorgé. Je suis, en effet, le pilote qui l’ai conduit dans ces calamités, et il n’a entrepris cette navigation qu’en raison de mes malheurs. Il n’est donc pas juste que je te rende ce service, et que j’échappe moi-même au danger en le livrant à la mort. Mais qu’il soit fait ainsi : donne-lui cette lettre ; il la portera à Argos et tu seras satisfaite. Pour moi, qu’on me tue si l’on veut. Ce serait une très grande lâcheté de se sauver soi-même en jetant un ami dans le malheur. Celui-ci est mon ami, et je veux qu’il voie la lumière non moins que moi.

IPHIGÉNÉIA.

Ô âme généreuse ! Certes, tu es sorti d’une bonne race, toi qui aimes vraiment tes amis ! Plaise aux Dieux qu’il soit tel celui des miens qui me reste encore ! En effet, ô