Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/402

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approcher ; et il mugissait, roulant des yeux, courbant son dos et nous menaçant obliquement de ses cornes, afin que nous ne le touchions pas. Alors le mari de Hélénè s’écria : — Ô vous qui avez renversé la Ville d’Ilios, saisissez à la façon des Hellènes, soulevez ce taureau sur vos jeunes épaules, et jetez-le à la proue ; et, en même temps, mon épée que voici sacrifiera cette victime au mort ! — Et, lui obéissant, ils saisirent le taureau et le déposèrent sur le pont de la nef. Et Ménélaos, caressant le cou et le front du cheval lié d’une seule courroie, le fit entrer dans la nef. Enfin, tout étant embarqué, Hélénè monta de son beau pied à l’échelle, et s’assit au milieu des bancs. Et Ménélaos, qui passait pour être mort, était auprès d’elle, et ses compagnons se tenaient en nombre égal à droite et à gauche, chaque homme surveillant chacun de nous, tous ayant des épées cachées sous leurs vêtements. Et la mer retentit de nos clameurs dès que nous eûmes entendu la voix du chef des rameurs. Lorsque nous fûmes ni trop loin, ni trop près de la terre, celui qui tenait la barre du gouvernail interrogea Ménélaos : — Faut-il aller plus avant, ô Étranger, ou est-ce bien ainsi ? Car le commandement de la nef t’appartient. — Et Ménélaos dit : — C’est assez. — Puis, tirant son épée, il s’avança vers la proue, et s’approchant du taureau, mais sans faire mention de mort, il trancha la gorge de la victime et pria ainsi : — Ô toi qui habites dans la mer, maritime Poséidôn, et vous chastes filles de Nèreus, emmenez-nous vers le rivage de Nauplia, sains et saufs, loin de cette terre, ma femme et moi ! — Et alors les flots de sang jaillirent dans la mer, en présage d’un voyage heureux pour l’Étranger. Et quelqu’un d’entre nous dit : — Cette navigation est une ruse. Retournons en arrière,