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femme que Zeus t’a envoyée pour me la garder. Je sais que, mort, tu ne pourras jamais me la rendre ; mais celle-ci ne permettra pas qu’on parle mal de son père qui fut très glorieux autrefois, car cela dépend d’elle maintenant. — Ô souterrain Aidès, j’invoque aussi ton aide, moi qui, pour Hélénè, t’ai offert en sacrifice tant de guerriers tombés sous mon épée ! Donc, ou rends-les à la vie, ou contrains celle-ci, ne méprisant pas la piété de son père, de me rendre ma femme. Mais si tu me l’arraches, je te dirai ce qu’elle ne t’a pas dit. Afin que tu le saches, ô Vierge, nous nous sommes engagés par serment, d’abord à combattre ton frère. Il faut qu’il meure ou que je meure ! ceci est simple. S’il ne se présente pas au combat pied contre pied, et s’il veut nous réduire par la faim, ici, dans ce tombeau, j’ai résolu de tuer Hélénè et de m’enfoncer ensuite cette épée dans le foie, au sommet de ce sépulcre, afin qu’il soit arrosé des flots de notre sang, et que nous gisions tous deux auprès du mort, pour la douleur éternelle et pour l’opprobre de ton père ! Jamais, en effet, ni ton frère, ni aucun autre n’épousera Hélénè ! Je l’emmènerai, seul, dans ma demeure, si je puis, ou du moins chez les morts. Pourquoi te dire cela ? Si je pleurais, m’abandonnant à une mollesse de femme, je te ferais plus de pitié qu’en restant résolu. Tue-moi donc, s’il te convient. Tu ne tueras pas un homme sans gloire. Mais, plutôt, cède à mes paroles, sois juste et rends-moi ma femme.

LE CHŒUR.

C’est à toi de décider, ô jeune fille ! Juge donc de façon à plaire à tous.