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rendra l’honneur de la chasteté ; je marierai ma fille que maintenant nul n’épouse, et, mettant fin à cette errante et amère destinée, je jouirai des richesses que je possède dans ma demeure. Si celui-ci était mort et couché sur le bucher, absent je le poursuivrais de mes larmes ; mais, aujourd’hui, me sera-t-il arraché, vivant, et sain et sauf ? Je t’en supplie, ô Vierge, ne fais pas cela ! Accorde-moi cette grâce, et imite les vertus d’un père équitable ; car, la plus belle gloire des enfants, quand on est d’un père vertueux, est de posséder les mêmes vertus.

THÉONOÈ.

Les paroles que tu as dites sont dignes de compassion, et tu es à plaindre aussi. Je désire cependant entendre ce que dira Ménélaos pour sa vie.

MÉNÉLAOS.

Je ne consentirais ni à me jeter à tes genoux, ni à mouiller de larmes mes paupières, car je souillerais grandement ma gloire Troienne, si j’étais lâche. Cependant on dit qu’il est d’un homme de bonne race de verser des larmes dans le malheur ; mais que la chose soit belle ou non, elle n’entreprendra pas sur mon courage. S’il te plaît de sauver un étranger qui réclame légitimement sa femme, rends-la et sauve-moi par surcroît ; sinon, ce n’est pas d’aujourd’hui, mais depuis longtemps, que je suis malheureux, et tu seras tenue pour une femme injuste. Cependant, des paroles dignes de moi et qui puissent grandement émouvoir ton cœur, je les dirai sur ce tombeau, avec des regrets pour ton père : — Ô vieillard ! qui habites ce sépulcre de pierre, rends-moi, rends-moi la