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LES BAKKHANTES

sième par Inô. Et toutes dormaient, abandonnant leurs corps, les unes, le dos appuyé sous les feuillages des sapins, les autres sous celui des chênes, et la tête modestement reposée contre terre, et non, comme tu le dis, ivres de vin et du son des flûtes et poursuivant Kypris dans les bois solitaires. Et ta mère, debout au milieu des Bakkhantes, poussa un cri pour les éveiller, dès qu’elle eut entendu le mugissement des bœufs cornus. Et celles-ci, ayant chassé le profond sommeil de leurs yeux, se dressèrent debout, admirables de modestie, jeunes, vieilles et vierges non mariées. Et d’abord elles dénouèrent leurs chevelures sur leurs épaules, rattachèrent leurs nébrides dont le nœud s’était relâché, et ceignirent les peaux tachetées avec des serpents qui léchaient leurs joues. D’autres, tenant dans leurs bras un chevreau ou les petits sauvages des loups, leur donnaient un lait blanc, parce que leur mamelle était récemment pleine et qu’elles avaient laissé leurs enfants dans les demeures. Et elles se couronnaient de lierre, de feuilles de chêne et de smilax fleuri. Une d’elles ayant frappé la roche de son thyrse, une eau vive et limpide en jaillit, et une autre ayant jeté sa férule contre terre, le Dieu en fit sortir une source de vin. Celles qui désiraient boire du lait ouvraient le sol du bout de leurs doigts, et elles avaient une abondance de lait ; et de doux rayons de miel dégouttaient des thyrses couronnés de lierre. Certes, étant présent, tu aurais, à cette vue, supplié de tes vœux le Dieu que tu outrages maintenant. Nous tous, alors, bouviers et pasteurs de brebis, nous nous sommes rassemblés, pour parler entre nous des prodiges merveilleux qu’elles accomplissaient. Et un d’entre nous, qui visite la Ville et qui est habile à parler, nous dit : — Ô vous qui hantez les cimes sacrées des montagnes,