Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/163

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châtiment du meurtre de mon père et de mes frères. Mais je tairai ceci : je ne dirai pas la hache qui s’abattra sur mon cou et sur celui d’un autre, ni les combats parricides que causeront mes noces, ni le désastre de la race d’Atreus ; mais, puisqu’en proie à un Dieu je suis moins saisie de sa fureur, je montrerai cette Ville plus heureuse que les Akhaiens qui, pour une seule femme et pour un seul lit, pour reprendre Héléna, ont détruit des milliers d’hommes. Voici qu’un chef plein de sagesse se prive pour des ennemis de son plus cher bien, de ses joies domestiques, livrant ses enfants à son frère, à cause d’une femme qui n’a point été enlevée de force, mais qui s’est enfuie volontairement. Arrivés au bord du Skamandros, ils sont morts, non exilés de la terre et des hautes tours de la patrie ; et ceux qu’a égorgés Arès n’ont point revu leurs enfants, et ils ne seront pas enveloppés de voiles funèbres par leurs femmes, et ils gisent sur une terre étrangère ! Et leurs choses domestiques ont été telles aussi ; et les veuves mouraient, et les pères restaient privés de leurs enfants vainement élevés, et nul ne fait ruisseler le sang sur leur tombeau. Certes, cette expédition est bien digne d’être louée ! Il est mieux de taire les choses honteuses. Que ma muse ne chante pas, plutôt que de célébrer des actions mauvaises ! Mais les Troiens, et c’est la plus belle des gloires, mouraient pour la patrie ; ceux que la lance avait rués, emportés dans leurs demeures par leurs amis, étaient déposés dans la terre de la patrie par les mains de ceux dont c’était le devoir. Tous les Phryges, qui ne sont pas morts dans le combat, ont habité chaque jour avec leurs femmes et leurs enfants, joie que ne goûtaient point les Akhaiens. Sache quelle est la destinée de Hektôr, si amère qu’elle te